© Michel Fingerhut 1995-8 ^  

 

Pierre Bridonneau:
Oui, il faut parler des négationnistes (La thèse)
2-204-05600-6 © Éditions du Cerf 1997
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Nous remercions Pierre Bridonneau et les Éditions du Cerf de nous avoir autorisés à reproduire ces textes.
Thèse (voir l'introduction, p. 19), p. 5. Ernst SEELIG, Traité de criminologie, PUF, p. 268. Le Mythe d'Auschwitz, p. 212.

La thèse

Elle est intitulée Les « confessions » de Kurt Gerstein. Étude comparative des différentes versions. (Édition critique.)

Henri Roques a préféré au terme « rapport », traduction de l'allemand Bericht, le terme « confession », avec les guillemets de rigueur: « Toutefois, nous avons placé le mot "confession" entre guillemets, puisqu'il procède de notre choix35. »

La thèse comprend trois cent soixante-treize pages, dont quatre-vingts pages d'appendices (cartes, textes des confessions), cent soixante pages d'établissement des textes, compléments et brouillons, lettres, articles, documents divers, vingt pages (hors pagination) de tableaux comparatifs consistant à placer en parallèle divers textes pour tenter de mettre en évidence des différences, et quelques pages de biographie, bibliographie et index.

Donc, moins de soixante-dix pages de thèse proprement dite contenant l'introduction, un chapitre sur l'authenticité des textes (vingt-huit pages), un chapitre sur la véracité des textes (dix-sept pages), les « confessions » devant les lecteurs (douze pages) et huit pages de conclusion.

Les textes des « confessions » sont au nombre de six.

La cinquième présente trois moutures dont une traduction anglaise.

Ces textes sont catalogués T I à T VI: T I, texte manuscrit, en français, daté du 26 avril 1945; T II, texte dactylographié, en français, daté du 26 avril 1945 (PS 1553); T III, texte dactylographié, en allemand, daté du 4 mai 1945; T IV, texte manuscrit, en français, daté du 6 mai 1945; T V, texte dactylographié, en français, daté du 6 mai 1945 (copie d'interrogatoire); T V a, version de I'ORCG (Organe de recherche des crimes de guerre, France); T V b, transcription (archives de Washington: 010813; T V c, traduction anglaise; T VI, texte dactylographié en allemand, daté du 6 mai 1945 (PS 2170).

Selon les appréciations de Henri Roques, en ce qui concerne T I, T II et T IV, l'origine est certaine (elles sont bien de Gerstein).

Pour T V, l'origine est certaine mais la rédaction n'est pas due à Gerstein.

Pour T III et T VI (deux textes dactylographiés en allemand), l'origine est suspecte.

Les cassettes de soutenance.

Elles sont au nombre de deux, de quatre-vingt-dix minutes chacune. Elles ont permis d'éclairer certains points. Ainsi, par lettre du 20 mai 1986, Me Vigouroux, avocat du professeur Rivière, écrivait au vice-président de l'université de Nantes: « S'il existe une bande enregistrée, elle l'a été à l'insu du jury et du candidat. »

Ce qui était une contrevérité. Le rapport du recteur le reconnaît: « L'enregistrement est souvent perturbé par des bruits qui semblent liés au déplacement de ce micro en fonction des intervenants successifs. »

On entend même très nettement le président Allard dire, après des bruits de micro particulièrement forts: « C'est quand même le micro sauteur. » (Cassettes.)

On peut distinguer dans les cassettes plusieurs parties:

La plus importante aurait pu aussi bien se dérouler dans le département d'allemand. Le président du jury et le professeur Zind épluchent la traduction que Henri Roques a faite de la version T VI et relèvent les erreurs de la T III, les deux seules versions en allemand. Zind, en particulier, fait une démonstration éblouissante de pinaillage universitaire porté à la puissance n.

Une autre, moins importante, aurait pu se dérouler n'importe où. Ce sont des anecdotes sur des falsifications diverses (fausses signatures, faux gibets, faux en écriture...) touchant l'histoire du IIIe Reich, de la guerre 39-45 et des camps de concentration. Une seule -- la fausse donation de Constantin -- échappe à la période concernée.

Une anecdote rompt la monotonie du dialogue universitaire. Elle est gaillarde, bien de chez nous et on sent le plaisir qu'éprouve le professeur Allard à la conter.

Une écoute répétée permet d'apprécier l'ambiance dans laquelle se déroule la soutenance qui souvent contredit les déclarations des membres du jury ou de Henri Roques.

Cette soutenance se déroule dans la bonne humeur. Elle est ponctuée de rires: certains traduisent une réaction normale à des répliques amusantes. Ainsi lorsque Henri Roques exprime son admiration devant la minutie de l'analyse du professeur Zind et que celui-ci réplique qu'il s'est beaucoup cassé la tête. D'autres rires paraissent moins innocents: ainsi lorsque Zind reproche à Henri Roques de parler des chambres à gaz quand le texte allemand ne comprend que le mot « chambres » (in der Kammer) et qu'il ironise: « Pourquoi ajouter le mot "gaz". C'est une falsification. » (Ibid.)

Enfin, il y a des rires franchement déplacés lorsque J.-P. Allard cite le petit garçon juif distribuant des bouts de ficelles et qu'il fait cette réflexion: « Ça devait être une brassée de ficelles » ou lorsqu'il qualifie Pfannenstiel de « comparse diabolique regardant dans la chambre à gaz. » (Ibid.)

Il y a des phrases qui, malgré une certaine prudence qu'on perçoit à travers les hésitations, les changements de mode des verbes, trahissent les convictions de leur auteur. Ainsi Zind parlant des visites que Gerstein rendait à Mgr Buchholz et à Mgr Niemöller en prison, et leur apportant des cigarettes et des cigares, fait cette réflexion: « Ils n'étaient donc pas tellement malheureux, comme vous voyez. » (Ibid.)

Cela mérite qu'on s'y arrête. Le texte de Gerstein dit: « Msr. le curé Buchholz, curé de prison Ploetzensee, qui a accompagné à la mort les officiers du 20 juillet 1944 à échafaud. Ces officiers comme le curé Martin Niemöller, mon ami cordial, fumaient les cigarettes et les cigares que moi leur ai fournis à leur prison. » (Thèse, p. 295.)

Il semble que Zind, malgré sa minutie, ait confondu Buchholz, aumônier de la prison, avec Niemöller, prisonnier. Ensuite, cette réflexion « Ils n'étaient donc pas tellement malheureux », faisant référence à des prisonniers à qui l'on apporte des cigarettes et des cigares, s'applique à ces officiers qu'on allait exécuter. Si l'on comprend bien Zind, le condamné à mort auquel on apporte un petit verre de rhum et une cigarette n'est pas tellement malheureux. (Mais cette réflexion était sans doute réservée aux détenus des prisons et des camps du IIIe Reich.)

J.-P. Allard, « non sans amusement », souscrit à toutes les remarques de Henri Roques, car certains détails sont cocasses: « les tas de chaussures qui feraient dix étages [...] » (cassettes).

Et il ajoute: « Ce sont des choses qu'il faut mettre sous le nez de tous ceux qui croient encore, dur comme fer, à l'existence de telles choses [...] » (Ibid.)

Quel luxe de précautions dans cette phrase! Et combien il nous est difficile ensuite de le croire quand il déclare, dans son communiqué de presse du 10 juin 1986: « Le jury comprend l'émotion des victimes survivantes des camps de concentration et des familles des disparus. Mais il tient à dire qu'il n'a jamais été question de nier l'horreur de ce qu'ils ont souffert [...]. Un tel doute n'a jamais effleuré le jury et n'a jamais été exprimé par le candidat le 15 juin 1985. »

Et ce même Allard, à propos du témoignage des Allemands: « Nous [les Allemands qu'il a interrogés] pensions que ces camps étaient simplement des camps de travail qui n'étaient pas des hôtels trois étoiles, évidemment [...]. Mais on en sortait. » (Cassettes.)

L'intérêt de ces cassettes est aussi de montrer comment, à force de détours et d'arguties, on arrive à se piéger soi-même. Henri Roques, comme le jury, se préoccupe beaucoup de la santé de Gerstein, en particulier du diabète qu'il aurait contracté. Et J.-P. Allard émet une hypothèse audacieuse pour expliquer les mesures exagérées données par Gerstein, en ce qui concerne par exemple les tas de chaussures ¯ « il se trouve que dans les pratiques du chamanisme, on emploie des hallucinogènes dont certains ont pour effet sur les jeunes initiés [...] de les épouvanter en leur donnant des visions qui font que, par exemple, ce micro leur apparaîtra gros comme une montagne; c'est purement hallucinatoire [...]. Alors est-ce qu'il pouvait avoir des hallucinations de ce genre [...] du fait du traitement qu'il suivait en raison du diabète [...] ». (Cassettes.)

Si l'on suit le raisonnement d'Allard, les tas de chaussures, comme le micro qu'il désigne, étaient bien réels et le traitement contre le diabète n'aurait fait qu'augmenter les proportions du tas aux yeux de Gerstein, dont le témoignage resterait valable pour l'essentiel.

De même lorsque Rivière ironise sur la guillotine (l'ironie se pratique beaucoup tout au long de la soutenance) qui avait permis de planifier le système (la terreur jacobine) ¯ « Avec la guillotine, on a pu instaurer la terreur parce qu'on pouvait en passer des dizaines et des centaines dans la journée [...]. À la hache, ou même rouer quelqu'un, c'était pas possible [...]. » (Cassettes.)

Personne, dans cette assistance qui riait complaisamment, n'eut l'idée de lui rétorquer que c'était le gazage qui, précisément, avait permis la planification de l'extermination des Juifs et des Tziganes.

Le second degré de la critique.

On peut faire une première remarque concernant la thèse de Henri Roques: alors qu'il s'agit essentiellement d'un témoignage, aucun développement n'est donné à la notion essentielle de critique du témoignage. Pourtant, l'école révisionniste, selon les déclarations de Pierre Guillaume, « prétend appliquer à tous les événements du passé les règles universelles de la critique ». Or cette application au témoignage se fait au second degré et Henri Roques l'illustre dans sa thèse.

Précisons notre pensée en citant Heyer:

L'homme ne peut porter de témoignage absolument sûr que sur son expérience subjective présente, par exemple: « j'ai mal aux dents ». Déjà des jugements qui portent sur une expérience personnelle passée (après l'accident, j'ai souffert pendant six mois de violents maux de tête) peuvent être faux (les souffrances peuvent être apparues déjà avant l'accident, mais on a pu alors ne pas y prendre garde).

Quant aux descriptions, les erreurs sont nombreuses, du fait des lacunes de mémoire, ou même des lacunes dans la perception et dans son élaboration (on comble les lacunes à partir de fragments personnels).

Les estimations d'un témoin [...] concernant les distances dans l'espace, dans le temps ou le nombre de personnes, sont en général sujettes à caution. Ainsi des expériences ont été faites avec des élèves adultes gendarmes sur la longueur d'une caserne qui mesurait 64 pas. Les réponses allaient de 15 à 213 pas36.

Cela correspond précisément à certaines « invraisemblances » et « étrangetés » que Roques croit relever dans les « confessions » de Gerstein, les données numériques dont Allard parle pendant la soutenance: « Vous garderez le mérite d'avoir souligné [...] les incohérences multiples du témoignage de Gerstein, ce rappel aux évidences notamment en ce qui concerne les indications numériques [...] » (Cassettes.)

Dans mon livre, j'écrivais déjà: « Kurt Gerstein [...] a visité, en août, les camps d'extermination de Belzec et de Treblinka. Il a assisté à l'arrivée d'un train de déportés juifs à Belzec et a été témoin de leur extermination par l'oxyde de carbone. Il en fait confidence à un diplomate suédois. Son témoignage a été confirmé par le professeur nazi Pfannenstiel [...]. Mais Gerstein a déclaré que dans la chambre à gaz de Belzec 700 à 800 personnes s'entassaient sur 25 mètres carrés. Témoignage refusé. Il aurait dû se munir de son mètre pliant et faire défiler les Juifs un par un pour les compter. »

Autrement dit, la critique du témoignage aurait imposé de constater: premièrement, que Gerstein avait estimé à vingt-cinq mètres carrés, sans possibilité de la mesurer, la superficie d'une chambre (Kammer) où les SS poussaient sans ménagement des hommes, des femmes et des enfants; deuxièmement, que Gerstein avait évalué, sans possibilité de les compter, ces Juifs que l'on empilait à coups de cravache dans la chambre, à sept cents ou huit cents (essayez donc de compter un troupeau de plusieurs centaines de têtes qui défilent devant vous); troisièmement, que cette estimation et cette évaluation avaient été effectuées dans les conditions d'émotion bien légitime; quatrièmement, que Gerstein fournissait un rapport écrit de ces événements -- qui s'étaient déroulés en août 1942 --, seulement en avril 1945.

Or que fait Henri Roques, à l'instar de Faurisson, son maître à penser? Il prend en considération les données numériques fournies par Gerstein, sans tenir compte de la marge d'erreur que la vraie critique du témoignage imposerait, pour faire porter la critique, au second degré, sur le caractère invraisemblable de la scène présentée.

Pour en revenir à l'exemple de Ernst Seelig (note 1) concernant des évaluations faites par les élèves gendarmes, Faurisson en aurait conclu que la caserne n'existait pas...

A contrario, dans son tableau comparatif D, Roques écrit: « Son chronométrage précis n'est guère conciliable avec ses "erreurs" supposées dans la superficie et le volume de la chambre à gaz, qui auraient été dues à une très profonde émotion. » (Thèse.)

Cette observation est absurde. Gerstein ne possède pas de mètre (pour mesurer la chambre) et n'a pas la possibilité de compter exactement les entrants. En revanche, il dispose d'un chronomètre dont la précision lui permet de donner un temps juste.

Afin de bien montrer à quel point d'aberration cette hypercritique à deux degrés peut conduire les révisionnistes, prenons un passage du Mythe d'Auschwitz de Wilhelm Stäglich. Il s'agit d'un témoin oculaire, Miklos Nyiszli, qui donna des indications détaillées sur les installations d'extermination d'Auschwitz-Birkenau. Wilhelm Stäglich nous met d'avance en garde par cette petite phrase: « Il est d'ailleurs fort possible que ce "témoin oculaire" n'ait, en fait, jamais existé37. »

Deux ouvrages « documentaires » (toujours les guillemets!) furent publiés, l'un de Gerhard Shoenberner, Wir haben es gesehen (Nous l'avons vu) et l'autre d'Adler Langbein et Lingens-Reiner, Auschwitz.

Zeugnisse und Berichte (Auschwitz. Témoignages et rapports) qui concernent tous les deux le témoignage de Nyiszli. Wilhelm Stäglich se complaît à montrer les divergences entre les deux livres:

Il suffit de confronter (ci-dessous) des passages extraits des deux versions allemandes pour se rendre compte que les divergences qu'on y rencontre ne découlent pas seulement des libertés, grandes ou non, qu'ont pu prendre les traducteurs, mais que le lecteur doit avoir affaire là à des « créations » originales.

On lit par exemple chez Schoenberner que les « quinze fours [...] sont encastrés dans un mur de briques rouges » (p. 248), tandis que chez Adler il est dit: « Les quinze fours du crématoire sont pourvus d'un revêtement de briques rouges. » Ainsi, la première fois, le mur tout entier est fait de briques rouges; dans l'autre cas, les fours n'ont droit qu'à un « revêtement » de briques rouges, ce qui évidemment fait deux choses différentes. [Ibid., p. 213 s.]

Bien malin celui qui peut dire, en voyant un mur de briques rouges -- à moins de creuser -- si ce matériau constitue l'ensemble du mur ou un simple parement et le malheureux Miklos Nyiszli devait l'ignorer. On s'étonne que Stäglich n'ait pas souligné aussi que les fours sont « encastrés », chez Schoenberner, et qu'on n'en dit rien chez Adler où, en revanche, ce sont des fours « du crématoire ». Mais on ne peut guère penser à des fours de boulanger, n'est-ce pas? (Je sens que je glisse sur une pente révisionniste! J'ai même eu le réflexe de placer les guillemets d'usage.) En tout cas, un bon point pour les deux auteurs: « quinze fours de briques rouges » dans les deux ouvrages. Et le petit jeu continue: « dix ou douze marches de béton » chez l'un, « dix ou quinze marches de béton » chez l'autre.

« Le premier des deux, Nyiszli a donc compté moins de marches que le second », commente Stäglich.

J'aimerais demander au propriétaire d'une maison disposant d'une cave combien l'escalier compte de marches!

« Une salle violemment éclairée, de 200 mètres de long, comportant des bancs. »

Wilhelm Stäglich écrit, à regret, semble-t-il: « Les témoignages s'accordent, il est vrai, quant à la longueur de la salle », et il ajoute, car il faut bien trouver quelque chose: « tandis qu'il ne nous est rien dit sur la largeur de la salle, ce qui est assez curieux ».

Cette remarque avait déjà été faite par Rassinier (p. 238).

Adler est le seul à avoir précisé la capacité de la salle (qui peut contenir jusqu'à trois mille personnes). Cela va permettre à Stäglich de présenter un morceau de haute école (révisionniste, bien sûr) à propos des portemanteaux numérotés: « Si l'on part du principe que chacune des trois mille victimes devait avoir à sa disposition un portemanteau et que, d'autre part, sur les deux côtés de la longueur de la salle, on pouvait fixer tout au plus de 800 à 1 000 crochets, on arrive à un résultat ahurissant: la salle devait forcément être deux fois plus large que longue. Voilà donc une absurdité éclatante, en contradiction avec la logique la plus élémentaire. »

Autrefois, lorsqu'un enfant émettait trop de suppositions, ses parents lui disaient: avec des « si », on mettrait Paris dans une bouteille (ou une assiette).

Conservons l'hypothèse de départ: « Si chacune des victimes devait avoir à sa disposition un portemanteau », et modifions la seconde: « si on pouvait fixer trois mille crochets sur les deux côtés de la longueur de la salle », on arrive à battre Stäglich dans la course à l'absurde, car la salle n'a plus de largeur du tout!

Soyons sérieux! Qui d'entre nous n'a pas le souvenir de vestiaires d'école ou de stade où l'on empilait les vêtements sur des portemanteaux placés sur plusieurs rangées, en quinconces. Avec son calcul, Stäglich fixe les crochets sur une seule rangée à une distance de quarante ou cinquante centimètres les unes des autres. C'est une norme de confort que même les vestiaires de luxe n'observent pas souvent.

Un peu plus loin, Wilhelm Stäglich relève une autre prétendue contradiction: Adler écrit qu'on utilisait « une piste aménagée là dans le sol de béton » pour faire glisser les cadavres, alors que Schoenberner parle de « toboggans construits à cet usage ». Or une définition courante de « toboggan » est « piste glissante ».

Lorsque l'on sait, par une circulaire de La Vieille Taupe, que la sortie de l'ouvrage de Wilhelm Stäglich a été retardée parce que le professeur Faurisson, chargé de relire les épreuves, avait émis de très graves critiques sur la traduction (ce qui lui « imposait un terrifiant travail de correction, révision, vérification »), on reste stupéfait qu'il ait laissé passer de pareilles insanités. Une simple calculette et le petit Larousse auraient suffi. Mais l'ouvrage y aurait perdu en volume, et le poids impressionne toujours.

Pendant la soutenance, une critique formulée par le professeur Zind sur un point de la traduction effectuée par Henri Roques illustre ce type de comportement maniaque, portant la plupart du temps sur des points secondaires: « Vous l'avez traduit seulement "orné de géraniums, un escalier" [...]. Or le texte, traduction correcte, serait: "devant, à droite et à gauche, de grands pots en béton, avec des géraniums, puis un petit escalier'' [...]. Alors, vous, c'est traduit simplement, "orné de géraniums, un escalier". » (Cassettes.)

Et pendant ce temps, on ne discute pas de l'essentiel. La discussion peut même, à la limite, ne pas avoir d'objet. C'est du Ionesco réécrit par Zind. Celui-ci a cru relever une anomalie: « Gerstein, en fin de page, a écrit: "À ce lieu de service, je me choisis [...]" et, au début de la page suivante: "Là, je me choisis [...]". Il y a donc répétition, changement de "À ce lieu" en "Là" », et, ajoute Zind, « l'écriture n'est plus tout à fait la même ». (Ibid.)

Roques cherche une explication. Tout le monde feuillette. Bref, on s'attend à une révélation sensationnelle, un coup de théâtre. L'auditoire est haletant. Pierre Zind déclare: « C'est le même personnage qui écrit; je ne mets pas en doute l'auteur, mais on sent que ce n'est pas au même moment... Et ce fait que la phrase soit interrompue, ça me paraît important. » (Ibid.)

C'est un pétard mouillé. Ça ne débouche sur rien, d'autant plus qu'il arrive à toute personne qui écrit d'arrêter son manuscrit et, en le reprenant plus tard, de répéter en début de page, sans y prêter attention, ce qu'il avait écrit en fin de la page précédente. Autrement dit, Gerstein a pu s'arrêter pour dormir, parce qu'il était fatigué -- et l'écriture sera différente quand il reprendra la plume, plus dispos --, pour manger, pour aller aux toilettes... Bref, pour toutes sortes de raisons qui ne valent pas la peine qu'on en discute avec sérieux dans une soutenance de thèse.

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