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Jacques Tarnero:
Le racisme (4)
ISBN 2.84113.279.X © Éditions Milan 1995
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Nous remercions Jacques Tarnero et les Éditions Milan de nous avoir autorisés à reproduire ces textes.

L'imaginaire raciste

Comment peut-on être raciste? Sur quel dispositif psychique le racisme prend il appui? Rôle de l'imaginaire et facteurs psychologiques nourrissant la pensée raciste.
"L'inquiétante étrangeté sera cette sorte de l'effrayant qui se rattache aux choses connues depuis longtemps et de tout temps familières."
Sigmund Freud, Essais de psychanalyse appliquée, "Inquiétante étrangeté", Gallimard, 1971.
Jeu et force de l'imaginaire
Dans tous les cas, le racisme joue sur un fantasme (c'est à dire une représentation imaginaire) individuel ou collectif: celui qui est visiblement différent ou, au contraire, celui qui est invisible représente une menace, un danger dont il faut se prémunir, qu'il faut asservir ou détruire. La victime du racisme devient le bouc émissaire des phobies du raciste. Le racisme met en jeu des dynamiques psychologiques fondamentales: troubles de la personnalité narcissique, rôle de l'autre en miroir de soi, besoin de vivre comme homme imaginaire, désignation de l'étranger comme cause imaginaire des frustrations, etc. L'étranger nous révèle par défaut, il présente une autre réalité et "cet autre bizarrement différent nous ressemble".
La mécanique raciste va donc aggraver ces perceptions en rationalisant ce qui est identifié comme la causalité d'un malheur ressenti. "C'est de leur faute", "ils, les autres, les étrangers, les Juifs, les Noirs, les Arabes sont la source de nos malheurs". Ces attributions, par leur généralisation et leur sophistication, alimentent le discours et les attitudes du raciste: ce n'est pas un Juif qui est escroc, ce sont tous les Juifs qui le sont. La pensée raciste n'est donc pas une pensé rationnelle même si son expression a parfois le souci de la cohérence et de la théorie. La force des préjugés, qui forment le tissu du racisme, procède d'un principe d'évidence admis communément par une partie du corps social à un moment donné d'une société.

"Le juif n'est pas un homme. C'est une bête puante. On se débarasse des poux. On combat les épidémies. On lutte contre les invasions microbiennes. On se défend contre le mal, contre la mort - donc contre les juifs".
Journal Au pilori, 14 mars 1941.
L'imaginaire antisémite
L'antisémitisme fait partie des grandes questions interrogeant la psychologie des masses, des mythes collectifs par sa permanence dans l'Histoire, le nombre de ses agressions, ses métamorphoses. L'agressivité dont le judaïsme est ou a été l'objet peut s'interpréter comme l'agression contre sa dimension symbolique. Car c'est une religion ancestrale qui a énoncé la Loi fondamentale (les dix commandements), qui a nommé l'interdit que les générations suivantes veulent transgresser. Apparenté au racisme, l'antisémitisme fonctionne sur un registre psychologique parallèle. Dans l'imaginaire raciste, la menace, l'objet de la haine raciste, est située à l'extérieur de la sphère à protéger. Il s'agit de rejeter cet "autre" si visible. L'imaginaire antisémite situe la "menace juive", à l'intérieur de la sphère à protéger. Le Juif n'est pas différent mais ressemblant. Il est l'ennemi invisible. Il faut donc le marquer pour rendre sa différence identifiable (rouelle, étoile jaune). La métaphore utilisée dans le discours antisémite désigne une sorte de métastase cancéreuse, qui détruit du dedans un corps supposé sain.

Dans l'imaginaire raciste, l'être différent donc dangeureux vient de l'extérieur.
Dans l'imaginaire antisémite, la menace juive, invisible, vient de l'intérieur. Dans les deux cas, cette pensée irrationnelle se fonde sur des préjugés, sur des fantasmes individuels ou collectifs.

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