© Michel Fingerhut 1996/7 ^  

 

Jacques Tarnero:
Le racisme (11)
ISBN 2.84113.279.X © Éditions Milan 1995
Reproduction interdite sauf pour usage personnel - No reproduction except for personal use only


Nous remercions Jacques Tarnero et les Éditions Milan de nous avoir autorisés à reproduire ces textes.

Les premiers doctrinaires du racisme

Le racisme comme théorie de l'inégalité des groupes humains est une invention du monde moderne d'origine européenne. Quels en furent les penseurs?
"Point de civilisation véritable chez les nations européennes quand les rameaux aryens n'y ont pas dominé."
A. de Gobineau.
Arthur de Gobineau (1816-1882)
L'auteur de l'Essai sur l'inégalité des races humaines énonce sa conception de la supériorité ayenne. L'appartenance à la race est pour lui le facteur de développement des civilisations. Il en distingue trois: la blanche, la noire et la jaune. La noire en constitue la variété "la plus humble qui gît au bas de l'échelle". Si la jaune est dotée de "raison pratique", sa pente naturelle n'est autre que "la médiocrité". La blanche, animée par l'honneur, jouit d'une "aptitude civilisatrice". Son essai relève plutot de l'exaltation idéologique que d'une quelconque prétention scientifique. Considérant les Juifs comme un peuple "libre, fort et intelligent ayant fourni au monde autant de docteurs que de marchands", Gobineau, nostalgique de la pureté originelle, a servi de caution et de référence à ses successeurs.

"Même s'il était prouvé qu'il n'y eut jamais de race aryenne dans le passé, nous voulons qu'il y en ait une dans l'avenir: pour les hommes d'action, voilà le point de vue de l'avenir."
H.S. Chamberlain.
Houston Stewart Chamberlain (1855-1927)
Pour Chamberlain, "il fallait se délivrer du "joug sémitique"" (Fondements du XIXe siècle, 1899). Anglais, fasciné par l'Allemagne dont il prend la nationalité, gendre de Richard Wagner, il est l'inspirateur des théories du nazisme. La pureté du sang germanique représente l'objet essentiel de sa théorie. La race est inscrite dans la conscience et c'est donc à partir de critères moraux que se révèle l'appartenance à la race. Il estime qu'une "discipline de la race" peut, par sélection, tendre à la reconstruction d'une "race noble". Les Juifs formeraient une race coupable d'un crime de "lèse-sang". Mêlant race et religion, Chamberlain fait du Christ un Aryen "qui n'avait pas dans ses veines une seule goutte de sang juif". Seuls les Germains sont dignes de la parole de Jésus. Aussi faut-il débarrasser le christianisme de ses "oripeaux étrangers pour créer une religion adaptée à l'essence de notre type germanique".

"Arrogant dans le succès, servile dans le revers, grand amasseur d'argent, d'une intelligence remarquable, le juif est impuissant à créer."
G. Vacher de Lapouge.
Georges Vacher de Lapouge (1854-1936)
L'auteur de l'Aryen et son rôle social va fournir les éléments fondateurs de l'antisémitisme nazi. À partir de ses travaux d'anthropologie il va théoriser, scientifiquement, sa vision raciale et raciste du monde. Seule la race blanche, aryenne, dolichocéphale, est porteuse de grandeur, à la différence de la race brachycéphale, "inerte et médiocre", dont le Juif est la pire figure. Il procède au classement et à la hiérarchisation des races. Il en tire des lois confortant sa perception du monde. "L'homo europaeus" forme l'élite: grand blond, teuton ou nordique, il est protestant, dominateur et créateur. "L'homo alpinus", dont les types sont "l'Auvergnat et le Turc", est le "parfait esclave craignant le progrès" et "l'homo mediterraneus", dont les types sont le "Napolitain et l'Andalou", appartiennent aux catégories inférieures!

Lucien Rebatet, écrivain collaborateur, disait de Drumont en 1944 dans le journal Je suis partout:
"J'admire Hitler. Il a eu d'innombrables devanciers plus brillants que lui parmi lesquels Drumont."
Édouard Drumont (1844-1917)
Drumont n'est pas un théoricien mais plutôt un pamphlétaire, qui va diffuser la synthèse des discours antisémites du XIXe siècle. Son journal La libre parole devient le haut-parleur populaire du nationalisme antisémite et anti-dreyfusard. L'auteur de La France juive (1886) dénonce "le sémite mercantile, cupide, intrigant, rusé face à l'aryen enthousiaste, héroïque, chevaleresque, désintéressé, confiant jusqu'à la naïveté". La figure du Juif relève chez Drumont du fantasme démoniaque, responsable de tous les maux qui accablent la France: le socialisme, l'internationalisme, le nihilisme inventés par le Juif devenu l'incarnation du Mal.

C'est bien au nom de l'idée de race et d'une vision hiérarchique de l'espèce humaine que le Code noir, les lois de Nuremberg, le statut des Juifs sous Vichy ou l'apartheid ont pu être pensés et mis en pratique.

<- <- <-

____________________________

Server / Server © Michel Fingerhut 1996-2001 - document mis à jour le 09/11/1998 à 18h15m05s.
Pour écrire au serveur (PAS à l'auteur)/To write to the server (NOT to the author): MESSAGE