© Michel Fingerhut 1996/7 ^  

 

Jacques Tarnero:
Le racisme (12)
ISBN 2.84113.279.X © Éditions Milan 1995
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Nous remercions Jacques Tarnero et les Éditions Milan de nous avoir autorisés à reproduire ces textes.

Génocide des Arméniens et minorités du Caucase

Faut-il inscrire dans les catégories du racisme le déni du droit à l'existence opposé par des États à des peuples ou à des petites nations? Telle est la question que posent le génocide des Arméniens ou, plus récemment, les attaques contre les Kurdes.
Sphères chrétienne et musulmane

Le conflit entre Turcs et chrétiens (dont les Arméniens) n'est pas né au cours de la Première Guerre mondiale. Il correspond à la confrontation entre sphère d'influence chrétienne et sphère musulmane, apparue après la chute de l'empire chrétien d'Orient en 1453.

"Les événements tragiques qui se sont déroulés en 1915-1917 contre les Arméniens établis sur le territoire de l'Empire ottoman constituent un génocide au sens de la convention pour la prévention et la répression de crime de génocide adoptée par l'Assemblée générale de l'ONU le 9 décembre 1948."
Extrait de la résolution adoptée par le Parlement européen le 18 juin 1987.
Déportation et élimination
Pendant la Première Guerre mondiale, prenant le prétexte d'une menace arménienne contre la sécurité de l'empire ottoman, les autorités turques décident de déporter et de massacrer environ un million deux cent mille Arméniens de Turquie.
En octobre 1914, la guerre entre Ottomans et Russes commence en zone frontalière russo-arménienne. En mai 1915, la déportation des Arméniens est ordonnée. Les populations civiles arméniennes sont immédiatement attaquées et déplacées. Les forces kurdes participent aux massacres. L'estimation du nombre des victimes est évaluée entre 600 000 et 800 000 dès l'été 1915. Dans les provinces orientales de l'Empire, 1 200 000 Arméniens y vivaient jusqu'à cette date. 300 000 parviennent à se réfugier en Russie. Les autorités ottomanes passent ensuite à une autre étape, celle de l'élimination des populations qui ne sont pas situées en zone frontalière, mais en Cilicie (entre la Turquie et la Syrie). Environ 50 000 Arméniens réussissent à s'échapper à Alep (dans l'actuel Syrie). Depuis 1987, c'est encore dans le Caucase que le conflit qui oppose Arméniens chrétiens et Azeris musulmans est le plus ancien et le plus meurtrier. L'enjeu en est le Haut-Karabach, région à majorité arménienne enclavée en Azerbaïjan. Toujours dans le Caucase, les Tchétchènes, déjà déportés par Staline en 1943, résistent aujourd'hui dans une guerre terrible à la domination russe.

"À partir du 24 avril 1915, selon un programme précis, le gouvernement ordonne la déportation des Arméniens des vilayets (départements) orientaux. Une organisation spéciale est créée, elle est constituée de prisonniers de droit commun, libérés des prisons, entraînés et équipés par le parti Union et progrès. Tout confirme l'existence d'un commandement centralisé qui contrôle le déroulement du programme. La déportation n'est qu'une forme déguisée d'extermination".
Tribunal des peuples, Paris, 16 avril 1984.
La Turquie nie sa responsabilité
L'actualité a remis en lumière le génocide des Arméniens perpétré entre 1915 et 1917 par le gouvernement Jeune-Turc alors au pouvoir dans l'Empire ottoman. Cette extermination a été pensée, conçue et organisée comme une option stratégique de l'Empire turc. L'historien américain Bernard Lewis, spécialiste du monde arabo-musulman, conteste la pertinence de la définition de génocide à propos des massacres dont ont été victimes les populations arméniennes. Le tribunal de Paris, saisi par les associations arméniennes, vient en 1995 de lui donner tort. Cette affaire pourrait paraître à première vue réduite à une querelle sémantique. Son importance est tout autre car l'État turc refuse de reconnaître sa responsabilité dans l'élimination des Arméniens.

Racisme et droit des peuples à exister
Quelle est la part du racisme dans les guerres menées par la Turquie, l'Irak, l'Iran pour dénier au peuple kurde son droit à exister en tant que peuple ou nation? Les bombardements à l'arme chimique menés par l'armée irakienne de Saddam Hussein contre les Kurdes ou l'offensive turque en 1995 dans le Kurdistan irakien révèlent l'acharnement des États à éliminer toute contestation à l'intérieur de leurs frontières respectives. La relative absence d'Etats de droit dans ces régions du Caucase, du Proche-Orient ou de l'Europe balkanique, ainsi que leur déficit démocratique, ne peuvent que renforcer les dimensions ethniques, culturelles ou religieuses qui caractérisent ces conflits. La fragile paix amorcée entre Palestiniens et Israéliens montre qu'il n'y a pas de fatalité au déni réciproque d'une nation par une autre.

Ce qui est en cause dans la multitude des conflits du Caucase, du Proche-Orient ou de l'Europe balkanique, c'est encore et toujours la question des nationalités, du droit des minorités et de sa gestion démocratique.

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