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Jacques Tarnero:
Le racisme (17)
ISBN 2.84113.279.X © Éditions Milan 1995
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Nous remercions Jacques Tarnero et les Éditions Milan de nous avoir autorisés à reproduire ces textes.

Le sort des Tziganes

Les gens du voyage échappent aux catégories politiques des États-nations européens. Les fontières sont leurs prisons, quand elles ne furent pas leur mort.
Levez-vous Rom
J'ai marché, marché aux longues routes
J'ai rencontré des tziganes heureux,
Ô Rom, d'où venez-vous...
Moi aussi j'avais une grande famille
La noire légion l'a massacrée.
Venez avec moi, tous les Rom de la terre
Car les routes tsiganes nous sont ouvertes...

Poème de Jarko Jovanovic, auteur tzigane, originaire de l'ex-Yougoslavie, né en 1925. La plupart des membres de sa famille ont été déportés et sont morts à Auschwitz. Ce poème est devenu l'hymne des Gitans.
La "plaie des campagnes"
Au XIXe siècle, la construction des États ou des ensembles nationaux en Europe, autour de modèles centralisés, met les Tziganes à l'index de leur encadrement administratif. Considérés comme "la plaie des campagnes", ils sont dénoncés par la presse populaire: "Qu'on débarrasse au moins nos campagnes de tous ces gens sans aveu, sans état civil, sans patrie qui terrorisent nos villages et grugent nos paysans" (Le Petit Journal 1907, cité par Henriette Asséo dans Les Tsiganes, "Découvertes", Gallimard, 1994). Même si les Tziganes sont installés en Europe depuis l'an mille, ils ont toujours été perçus comme des corps étrangers.

Extermination des Tziganes par les nazis
La question tzigane devient la cible de la politique d'hygiène raciale de l'Allemagne nazie (vid. sup.). Dans la typologie nazie et dans sa conception de la hiérarchie raciale, les Tziganes sont classés comme une catégorie raciale hybride dont la non-sédentarité caractérise la dégénérescence. Les anthropologues et les médecins du IIIe Reich concluent leurs études, en 1940, par la recommandation de leur "stérilisation" et leur déportation dans les "dépotoirs" de l'Est européen, en Pologne. Les Tziganes sont rapidement déportés dès 1941 dans tous les camps de concentration où se trouvent déjà les autres populations jugées nuisibles. Le Reich devant devenir zigeunerfrei (libre de tout Tzigane), le peuple Rom va rejoindre les Juifs dans les chambres à gaz. Himmler aurait voulu conserver deux tribus tziganes au nom de leur descendance supposée de la race indo-germanique primitive. Livrés aux expériences médicales des checheurs nazis, en particulier dans le camp du Struthof en Alsace, gazés à Auschwitz-Birkenau ou exterminés en Croatie par les Oustachis (mouvement nationaliste croate qui collabore avec les nazis), ce sont environ 200 000 Tziganes qui sont victimes des crimes contre l'humanité commis par les nazis et leurs alliés.

Mis à l'écart en Europe de l'Est
Dans les pays de l'ex-bloc communiste, les populations tziganes sont aussi repoussées vers d'autres terres. En Roumanie, où ils sont esclaves des propriétaires terriens jusqu'à la moitié du XIXe siècle, le mot Tzigane est aujourd'hui encore synonyme d'insulte. Traités avec une bienveillance paternaliste par les régimes communistes de l'Est, les Tziganes ne sont jamais totalement intégrés. En Tchécoslovaquie, dans les années 70, il y a même une campagne de stérilisation forcée des femmes tziganes, dénoncée à l'époque par les signataires de la Charte 77 (manifeste regroupant des opposants au régime). Après le nazisme, les préjugés à l'égard du peuple Rom n'ont pas eu droit qu'à une reconnaissance tardive des seuls présidents tchèque et hongrois, Vaclav Havel et Arpad Göncz. De nos jours, dans l'ex-Yougoslavie, les Tziganes sont "à la fois rejetés et utilisés par les différentes factions en guerre" (Rapport du Conseil de l'Europe, 1er août 1995).

Le peuple Rom, la "nation bohémienne", les manouches, les gens du voyage, par leur originalité transnationale et non-sédentaire, ont servi de bouc émissaire à toutes les xénophobies nationalistes européennes.

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