© Michel Fingerhut 1996/7

Martine Aubry et Olivier Duhamel:
Petit dictionnaire pour lutter contre l'extrême-droite (B)
Éditions du Seuil (©) Octobre 1995. ISBN 2-02-029984-4
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Introduction - A - B - C - D - E - F - G - H - I - J - L - M - N - O - P - R - S - T - U - V - X - Annexe 1 - Annexe 2

Barbie

Le 28 février 1983, Le Pen proteste contre l'arrestation de Klaus Barbie, « affaire bassement électorale ».

Barre

Voir Innocents.

Bateaux-mouches

Ainsi se nomme la compagnie qui finance l'extrême droite. Pour une croisière sur la Seine, nous préférons choisir une des compagnies rivales : les Bateaux parisiens (01.44.11.33.44), les Vedettes de Paris (01.47.05.71.29) ou les Vedettes du Pont-Neuf (01.46.33.98.38).

BBR

« Bleu-blanc-rouge » (BBR), slogan frontiste. BBR pour les « Français de souche » (appréciez ce vocabulaire pépiniériste à propos d'êtres humains), NBBR pour les autres ; on retrouve ces sigles discriminatoires sur des fiches d'entreprises de travail intérimaire.

Voir Emploi.

Benguigui

« Toulon devra se passer des vocalises du chanteur Benguigui, qui a décidé de ne pas honorer ses contrats. Je ne crois pas qu'on en mourra à Toulon [...]. Ces jappements de chiots mal lavés et mal élevés n'empêcheront pas le FN de continuer son action politique en faveur des Françaises et des Français, traités comme des parias dans leur propre pays » (Le Pen, 21 juin 1995). Une fois de plus, l'attaque antisémite. Certains supporters du FN la prolongent et cherchent partout le juif : « Bruel c'est Benguigui. Duhamel c'est qui ? » (annotation d'un lecteur lepéniste de L'Express sur un éditorial de l'un des auteurs : « Affronter le Front », juin 1995). Sic.

Beurs

« Quant aux jeunes Beurs dont les parents seront amenés à quitter notre territoire, ils seront tout naturellement conduits à suivre leurs parents dans leur pays d'origine, comme l'ont fait d'ailleurs, dans les années soixante, les enfants des rapatriés » (Bruno Mégret, « Un programme pour la VIe République », National Hebdo, 16 février 1995). L'expulsion de Français parce que leurs parents ne le sont ou ne l'étaient pas, parce que leur peau est basanée...

Tel est le programme antisocial, anticonstitutionnel et antifrançais du Front dit national.

Et en prime, si l'on ose écrire, une preuve supplémentaire du racisme fondamental de l'idéologie d'extrême droite. Une fois de plus, comme Hitler dans Mein Kampf, comme bien d'autres avant et après, l'obsession du mélange des races entretient la haine ultra-nationaliste.

Bosnie

Voir Impuissance.

Bouarram, Brahim

Sept crimes à caractère raciste en 1995 : triste record pour la France. Le Marocain Brahim Bouarram, mort avant ses trente ans, sous le pont du Carrousel lors de la manifestation du FN, le 1er mai 1995, à Paris, fut de ceux-là. Le 12 mai, un jeune Rémois de 19 ans avoue l'avoir poussé dans la Seine ; il est inculpé avec deux autres jeunes de Reims. Les trois, sans être militants FN, sont allés à la manifestation dans les cars affrétés par le FN et sont connus pour être des sympathisants du mouvement pétainiste l'OEuvre française.

Le Pen aurait pu condamner ce crime raciste. Il préféra le légitimer en n'y voyant qu'un « incident ». Un autre « détail » sans doute.

Voir Skinheads.

Bouhoud, Imed

Jeune Français d'origine tunisienne précipité par des skinheads dans un bassin du port du Havre, le 18 avril 1995. Son corps sera retrouvé le 7 mai. Le Pen parle de « dérapage » et y voit une justification de son refus de « la folle politique d'immigration » (AFP, 23 mai 1995).

Boycott

Déjà la question se posa lors de l'Affaire Dreyfus. Déjà la menace d'un boycott joua un rôle décisif pour arracher la révision du procès du capitaine injustement condamné. « Le deus ex machina qui refit l'unité brisée de la France, convertit le Parlement à la révision puis réconcilia les partis hostiles, de l'extrême droite jusqu'aux socialistes, n'est autre que l'Exposition de 1900. Ce que n'avaient pu ni les éditoriaux quotidiens de Clemenceau, ni la rhétorique de Zola, ni les discours de Jaurès, ni la haine populaire du clergé et de l'aristocratie, c'est-à-dire le revirement du Parlement sur le problème de la révision, ce fut la peur du boycott qui l'accomplit [...]. Le président Loubet gracia Dreyfus et liquida toute l'affaire. L'Exposition put s'ouvrir sous les plus brillants auspices commerciaux ; une fraternisation générale s'ensuivit ; même les socialistes purent prétendre à des places dans le gouvernement ; Millerand, premier ministre socialiste d'Europe, reçut le portefeuille du Commerce » (Hannah Arendt, « L'Affaire Dreyfus », Les Origines du totalitarisme, 1ère partie : « Sur l'antisémitisme », 1951, Éd. du Seuil, coll. « Points », 1984, chap. 4, p. 258).

Du boycott, il convient donc d'adopter une approche réaliste. S'il gêne l'adversaire, ayons-y recours, s'il le sert, évitons-le. Ainsi de Nice, ville touristique s'il en fut. Une des raisons qui conduisirent M. Peyrat à quitter le Front national fut sa conviction qu'il ne parviendrait pas à être élu sous cette étiquette, notamment parce qu'elle suscitait une désapprobation nationale et internationale telle que le risque d'un boycott, même larvé, pèserait alors sur la ville. Utiliser la menace d'un boycott comme argument pré-électoral n'est donc pas absurde. Donner une piqûre de rappel, comme le fit le photographe et écrivain Denis Roche, pas inutile [Voir Artistes].

Avoir du boycott une conception stratégique et tactique, ce précepte vaut, du moins pour les politiques. Lorsqu'il gêne l'adversaire, autant le lui faire subir. Lorsqu'il ne dérange que ses opposants, autant le leur épargner. Lorsqu'il s'avérerait dérisoire, autant l'éviter.

Bretagne

On parle toujours des régions ou des villes où l'extrême droite progresse. Pas de celles où elle échoue. Elles nous apprennent pourtant beaucoup. Ainsi dans l'ouest de la France, où le Front national piétine. Parce que la gauche a su s'y renouveler, et travailler sur le terrain. Parce que la tradition démocrate-chrétienne y est vive, et contribue à la résistance mentale. Parce qu'un grand journal, le plus important quotidien français par ses ventes, Ouest-France, sait marier pluralisme et engagement démocratique.

Bref, parce que le refus de l'extrémisme haineux est l'affaire de tous.

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