© Michel Fingerhut 1996/7

Martine Aubry et Olivier Duhamel:
Petit dictionnaire pour lutter contre l'extrême-droite (S)
Éditions du Seuil (©) Octobre 1995. ISBN 2-02-029984-4
Reproduction interdite sauf pour usage personnel - No reproduction except for personal use only


Introduction - A - B - C - D - E - F - G - H - I - J - L - M - N - O - P - R - S - T - U - V - X - Annexe 1 - Annexe 2

Scalp

Section carrément anti-Le Pen.

Association locale créée à Toulouse en 1984, SCALP a fait des émules ailleurs en France. Les militants des SCALP veulent tenir un discours et avoir des pratiques d'opposition à tout moment et en tout lieu à toute expression de l'extrême-droite. Ils mènent une lutte antifasciste radicalement politique, mais aussi physique, notamment en affrontant les jeunes d'extrême-droite dans les facs. Le SCALP de Paris a rejoint RÉFLEX.

Voir RÉFLEX-SCALP.

Sécurité sociale

« Ils mettent en faillite notre Sécurité sociale. » Les étrangers sont-ils vraiment plus que les Français consommateurs de consultations médicales, de médicaments, d'hospitalisations... ? Même si les statistiques ne sont pas complètes, celles dont nous disposons suffisent à établir qu'il n'en est rien.

Ainsi, en 1991, alors qu'un homme français consultait un médecin 4 fois par an en moyenne, un étranger ne le faisait que 3 fois. La réalité pour les femmes (7 fois pour les Françaises, 5 fois pour les étrangères) et pour les enfants (6,1 fois et 3,7 fois) corrobore ces résultats.

Les données sur l'hospitalisation manquent. Nous savons néanmoins que, pour la période 1985-1987, les étrangers représentaient 6,5% des patients hospitalisés en court séjour (hors accouchement), soit une proportion égale à celle de leur poids dans la population. Les étrangers hospitalisés, en moyenne plus jeunes que les Français, souffrent moins de tumeurs, de maladies de l'appareil circulatoire ou de pathologies liées à l'alcool. Ils sont en revanche plus souvent hospitalisés pour des affections vertébrales ou des traumatismes crâniens, souvent imputables à des accidents du travail.

Ces éléments montrent que les étrangers, qui ont un taux d'activité plus élevé que les Français, et versent donc plus de cotisations sociales, ne sont pas plus consommateurs de prestations que les Français.

(Sources : P.Mormiche et C.Bonnaud, « Le recours aux soins se ralentit, premiers résultats de l'enquête santé », INSEE Première, n° 238, décembre 1992. « Les étrangers en France », INSEE, 1994.)

Semblable

« L'effort des civilisations est justement d'effacer ce besoin sauvage de se jeter sur son semblable, quand il n'est pas tout à fait semblable » (Émile Zola, Le Figaro, 16 mai 1896).

Voir Haine de l'autre.

SIDA

Le talent de Le Pen : avoir été le premier homme politique à s'emparer du problème du SIDA, à L'Heure de vérité, le 6 mai 1987. Ainsi fut-il, une fois de plus, celui qui ose, celui qui parle de tout et ne cache rien, celui qui est en avance sur les autres et affronte les drames de notre postmodernité.

L'ignominie de Le Pen : utiliser le malheur des uns et les peurs des autres pour cultiver le rejet, en mentant sans vergogne. Inventer les mots de la haine : « sidaïques », « sidatoriums ». Terrifier les gens : « Le sidaïque est contagieux à partir de sa transpiration, de ses larmes, de sa salive. » Stigmatiser le malade : « C'est un véritable lépreux moderne. » Insulter les femmes : « Mme Barzach ramasse les plumes et se les plante où je pense » (Assemblée nationale, 2 juin 1987). Défier ses adversaires politiques : lors du même débat à l'Assemblée, il demanda à François Doubin et André Rossinot de « s'injecter de la salive de sidaïque. Ça, ça prouverait au moins qu'ils sont courageux. À moins qu'ils ne se sentent déjà protégés par le fait qu'ils sont peut-être déjà malades ». Tout amalgamer : « d'ardentes campagnes basées sur le signe SIDA » vont être menées partout. Ce sigle veut dire : « S comme socialistes, gaspilleurs et destructeurs, I comme immigration tiers-mondiste, D comme délinquance, désordre, décadence, A comme affaires, car les scandales politico-financiers sont devenus le pain quotidien honteux du système » (AFP, 7 décembre 1990). Le Pen sera condamné [Voir Justice].

Les skinheads, flanc extrême du FN, disent les choses plus crûment encore, en louant le SIDA, « le seul virus raciste qui nous débarrassera des parasites raciaux et sociaux » (Le Nouvel Observateur, 6 juillet 1995).

Skinheads

Littéralement « têtes de peau », « crânes rasés », les skinheads sont à l'extrême-droite de l'extrême-droite. Apparus en Angleterre à la fin des années soixante, ils se sont répandus sur le continent une dizaine d'années plus tard. Les explications du phénomène skin sont diverses et complémentaires. Elles permettent d'envisager quelques moyens pour lutter en profondeur contre son développement. La première explication renvoie, une fois de plus, au contexte économique et social : rébellion de jeunes ravagés par le chômage. La deuxième insiste sur la dimension identitaire. Après Dick Hebidge, Michel Wieviorka rappelle comment les skins se sont radicalisés parallèlement à l'évolution du reggae, lequel, à l'origine, mêlait jeunes blancs et noirs, mais s'est durci et centré sur la culture noire. Le sociologue Alain Ehrenberg a bien insisté sur cette dimension identitaire à propos des hooligans dans les stades : « C'est une esthétique de l'apparition, un moyen de faire bonne figure » (Autrement, n° 80, mai 1986, p. 157). Le gauchisme a offert aux jeunes des années soixante-dix une culture et une identité « jeunes ». Il s'est éteint avant même l'effondrement du communisme. La gauche socialiste n'a pas été capable d'assurer une fonction équivalente, notamment parce qu'elle était engluée dans la gestion et ses contradictions. La montée de l'extrême-droite s'ensuit et rend particulièrement urgente l'affirmation d'une identité démocratique de la jeunesse. Le problème est donc aussi politique.

FN et skins entretiennent des rapports ambigus, entre connivence et rejet : « Nous profitons de leurs meetings pour nous retrouver » (Le Nouvel Observateur, 6 juillet 1995). Ultra-racistes, néo-nazis, les skins prônent « l'extermination des ennemis raciaux et autres traîtres : juifs, nègres, homosexuels et francs-maçons qui disparaîtront dans des incinérateurs à déchets » (Das Schwarze Kopf, bulletin ronéotypé des skins). Entre illettrisme et éthylisme, les skins agressent et, parfois, tuent. Brahim Bouarram, jeté à la Seine le 1er mai 1995, le fut par un désoeuvré, venu à la manifestation du FN. Le 18 avril, des skins avaient noyé un jeune Maghrébin, Imed Bouhoud, au Havre.

La relance relative des actions racistes « peut s'expliquer par un regain de dynamisme des mouvements activistes (PFNE) et de la mouvance skinhead, et par l'émulation suscitée par le développement de la violence xénophobe et raciste en Allemagne. Les skinheads se sont ainsi rendus coupables de 34 opérations en 1993, dont 17 actions racistes, chiffre représentant la moitié des violences de cette nature » (Commission nationale consultative des droits de l'homme, La Lutte contre le racisme..., op.cit., p. 23).

Slogans

« On découvrit dans des slogans tels que "Mort aux Juifs" ou "La France aux Français" des formules presque magiques permettant de réconcilier les masses avec le gouvernement et la société » (Hannah Arendt, « L'Affaire Dreyfus », op.cit., p. 232).

SOS-Racisme

Créée en octobre 1984, l'association SOS-Racisme-Touche pas à mon pote prolonge la Marche des Beurs de 1983 (200 000 personnes). Cette marche pour l'égalité des droits est partie de Marseille à l'initiative de jeunes des Minguettes, elle a été accueillie à Paris par François Mitterrand, qui annonça à cette occasion l'adoption d'une carte de séjour de dix ans. En décembre 1984, la marche Convergence 1984 (« la France, c'est comme une mobylette, ça marche au mélange ») arrive à Paris. Suit le lancement du très célèbre badge « Touche pas à mon pote », inscrit sur une main jaune.

Association nationale avec un réseau de comités locaux dans les villes, les quartiers, les facultés, les lycées, plus de 300 comités en France, 15 000 à 20 000 adhérents, SOS-Racisme est la plus importante association antiraciste d'Europe. Il existe aussi une fédération internationale, basée à Paris et présidée également par Fodé Sylla, qui regroupe les SOS-Racisme existant dans presque tous les États de l'Union européenne, dans certains pays africains et au Canada.

À partir de 1988, des Maisons des potes sont créées, implantées en banlieue, dans les cités et animées par les habitants, avec des succès inégaux. Mouvement de jeunesse, SOS-Racisme s'investit aussi dans les luttes étudiantes. En 1992, Fodé Sylla remplace Harlem Désir, marquant ainsi un renouvellement de génération. Tout d'abord association très médiatique, elle se veut désormais une association de proximité, animée par des militants engagés sur le terrain. De l'antiracisme moral et médiatique, il s'agit de passer à un antiracisme de proximité et de terrain, et de « faire, entreprendre, faire entreprendre toute action susceptible de régler un problème lié au racisme ou né du racisme ».

Après une période contestée de défense du droit à la différence, SOS-Racisme a fait son autocritique et prône le métissage et, plus encore, une intégration fondée sur les valeurs de la République.

Les principales actions de ce mouvement se relient à l'actualité, en mettant des avocats à la disposition des familles victimes du racisme, ou s'inscrivent dans un travail de fond (soutien scolaire aux jeunes en difficulté, aide juridique aux étrangers ou aux Beurs, prévention de la toxicomanie ou du SIDA...).

Pote à Pote, journal mensuel de la Fédération nationale des maisons des potes : information sur la banlieue et SOS.
SOS-Racisme : 1, rue Cail, 75010 Paris. Tél. 01.42.05.44.44.
Président : Fodé Sylla. Vice-présidente porte-parole : Delphine Batho. Secrétaire général : Emmanuel Shumiatcher.

Souffrance

« Quand la société souffre, elle éprouve le besoin de trouver quelqu'un à qui imputer le mal, sur qui elle se venge de sa déception » (réponse du sociologue Émile Durkheim à un questionnaire sur l'antisémitisme, 1894). En conséquence, loin que la race produise le racisme, le racisme invente la race, pour se consoler. Cette relation a été établie, aussi bien sur le plan psychique et individuel (par exemple par Norbert Bensaïd, voir Haine de l'autre) que sur le plan sociologique et collectif (par exemple par Max Weber, Déclassement, Petits blancs). Ainsi s'explique l'importance du vote Front national dans des communes pourtant dénuées de toute présence immigrée.

Suicide

Lorsqu'un élu quitte le Front national, il est invité à se suicider. Ainsi, Jean-Pierre Stirbois au député du Nord, Bruno Chauvierre, pour le forcer à rendre son mandat : « Si tu ne démissionnes pas, tu n'auras qu'une solution, le suicide. Au besoin, nous t'y pousserons » (Le Pen, op.cit., p. 441 ; voir Détail).

____________________________

Server / Server © Michel Fingerhut 1996-2001 - document mis à jour le 19/09/2000 à 20h27m24s.
Pour écrire au serveur (PAS à l'auteur)/To write to the server (NOT to the author): MESSAGE