© Michel Fingerhut 1996/7

Martine Aubry et Olivier Duhamel:
Petit dictionnaire pour lutter contre l'extrême-droite (L)
Éditions du Seuil (©) Octobre 1995. ISBN 2-02-029984-4
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Introduction - A - B - C - D - E - F - G - H - I - J - L - M - N - O - P - R - S - T - U - V - X - Annexe 1 - Annexe 2

Label France

« La nationalité, informons-nous, accédons-y. » Titre et sous-titre d'une campagne d'information à Marseille réalisée par des jeunes des quartiers nord avec la Fondation Agir contre l'exclusion (FACE).

Conscients des modifications profondes et complexes apportées par le Code de la nationalité et devant une situation désormais plus ambiguë et les démarches qu'elle entraîne, des jeunes ont décidé de se mobiliser pour informer le plus largement possible les jeunes de Marseille de leurs droits et leur apporter une connaissance et un soutien nécessaires à l'acquisition de la nationalité.

Une campagne d'affichage dans les lieux publics et les abris-bus, des rencontres avec la population pour apporter des réponses concrètes aux problèmes spécifiques de chacun, la diffusion d'émissions dans les radios locales, la coopération de l'ensemble des quotidiens régionaux constituent cette campagne d'information.

Lapsus

Le Pen, lors d'un de ses innombrables passages à L'Heure de vérité [Voir Télévision], affirma qu'il était partisan du rétablissement de « la pine de mort » (sic). Nos psychanalystes, sollicités à tout bout de champ pour un décryptage freudien de la politique qui paraît souvent abusif sinon charlatanesque, auraient ici leur mot à dire. Le machisme de l'extrême-droite ne saurait, il est vrai, surprendre. Voir Rafle.

Lavilliers

« Je suis au bord d'une ville sinistrée et ça fait longtemps que je le sais » (Bernard Lavilliers à la fin de son concert à La Seyne, près de Toulon, le 27 juillet 1995). Un mot, une phrase, pour aider à ne pas s'habituer, à ne pas accepter.

Légalisme

Les Français restent très attachés à la légalité - même ceux qui approuvent les thèses xénophobes. 84% d'entre eux « souhaitent que, dans les villes gagnées par le Front national aux dernières élections municipales, le Front national respecte la loi française même s'il n'applique pas son programme » - 8% seulement « souhaitent que le Front national applique son programme même s'il s'écarte de la loi française » (enquête SOFRES-Presse de province, juillet 1995). L'extrême-droite prend ces données en compte et adopte en conséquence une stratégie de gestion prudente afin d'étendre son implantation.

Lepénisme et hitlérisme

« L'antiracisme ne doit pas, ne peut pas justifier sa condamnation du racisme par les seuls "excès" du racisme hitlérien. Ce n'est pas le nombre des victimes ni les méthodes employées pour les éliminer qui devraient condamner le racisme, mais sa manière de penser et de sentir. Elle a abouti, dans ce cas, aux horreurs qu'on sait, et elle peut toujours, dans des circonstances favorables, avoir les mêmes conséquences. Mais ce ne sont pas ces conséquences-là seulement qui le disqualifient. Elles ne peuvent être que la preuve qu'elles se nichent, en puissance, dans tout racisme. Il est susceptible d'être criminel parce qu'immoral et non pas immoral parce que susceptible d'être, spectaculairement, excessivement, criminel » (Norbert Bensaïd, « La double connivence », op. cit., p. 252).

Voir Justice, Racisme symbolique, Réagir.

Liberté

Voir Médias, Valeurs.

LICRA

Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme

La LICA (future LICRA) est créée en 1927 par Bernard Lecache à l'occasion du procès de Samuel Schwarzbard, pour sauver ce dernier et lutter contre les persécutions raciales et antisémites qui sévissent dans le monde. Parmi les premiers adhérents, on compte Victor Basch, Léon Blum, Albert Einstein, Joseph Kessel. En 1932, elle devient Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme, sans modifier son sigle. Son journal, Le Droit de vivre, dénonce les thèses racistes et les dangers du national-socialisme.

Après la Libération, au lieu de se reconstituer en organisation de lutte contre le racisme et l'antisémitisme, la LICA prend la forme d'une association de solidarité envers les rescapés des camps de concentration et de fidélité à la mémoire des victimes du nazisme. Elle aide les rescapés juifs à s'installer en Palestine, tout en incitant les instances internationales à étudier les modalités de la création de l'État d'Israël. Mais très rapidement, dès 1946, elle se reconstitue pour lutter contre les tentatives de falsification de l'histoire, contre l'antisémitisme d'État en URSS et dans les démocraties populaires, et le racisme dans le monde (en Afrique du Nord au temps de la présence coloniale et de la décolonisation, en Afrique du Sud, mobilisation pour la minorité kurde, aide aux réfugiés cambodgiens). Elle défend Israël et s'attache à réclamer le jugement des criminels nazis. Serge et Beate Klarsfeld ont ainsi bénéficié du soutien logistique, matériel et moral de la LICA. En 1979, elle devient la LICRA.

Au cours des dernières années, l'organisation s'est élevée contre les mesures administratives arbitraires d'expulsion prises contre les travailleurs étrangers. Elle dénonce systématiquement les discriminations exercées à l'encontre des Français de couleur originaires des DOM-TOM et de ceux d'origine maghrébine.

Comme ses organisations soeurs, la LICRA offre un support juridique pour toutes les victimes d'actes à caractère raciste, notamment par les services de son collectif d'avocats.

À travers 90 sections, la LICRA regroupe environ 10000 adhérents.

Le Droit de vivre, mensuel.

LICRA : 40, rue de Paradis, 75010 Paris. Tél. 01.47.70.13.28.
Président : Pierre Aidenbaum. Secrétaire général : Philippe Benassaya.

Ligue des droits de l'homme

Créée en 1898 au moment de l'Affaire Dreyfus, la Ligue est la toute première des organisations antiracistes modernes. La défense de la laïcité fut son thème central jusqu'aux années 1960. Dans les années cinquante, le comité central de la Ligue était peuplé de personnalités issues de la Résistance et opposées à la guerre d'Algérie. S'y ébauchent les principes éthiques et les modes d'action qui constitueront plus tard les diverses formes de revendications tiers-mondistes (nouvelle cause relevant des droits de l'homme : celle des peuples du tiers monde et de leur droit à l'indépendance). Dans les années 1970-1980, la Ligue insiste sur le recours au droit comme mode et objet de revendication. La référence à un militantisme laïque décline.

Depuis 1921, une Fédération internationale des droits de l'homme (FIDH) regroupe les ligues nationales sur tous les continents. Elle fut longtemps présidée par Daniel Mayer, animateur assidu de la Ligue, qui devint en 1983 président du Conseil constitutionnel.

Le but de la LDH est de défendre et promouvoir les principes énoncés dans les Déclarations des droits de l'homme de 1789 et 1793, la Déclaration universelle de 1948 et la Convention européenne des droits de l'homme. Elle fait appel à tous les démocrates pour combattre l'injustice, l'illégalité, l'arbitraire, l'intolérance, toute forme de racisme et de discrimination, et notamment toute atteinte au principe fondamental d'égalité entre les êtres humains, toutes les violences et mutilations sexuelles à l'encontre de quiconque, ainsi que pour défendre la liberté en général et la laïcité.

La LDH a mené campagne contre toutes les lois d'exception (lois anticasseurs, loi dite « Sécurité et liberté », tribunaux militaires, Cour de Sûreté de l'État...). Certaines de ces campagnes ont abouti, notamment avec la suppression des tribunaux d'exception et l'abolition de la peine de mort lorsque la gauche arriva au pouvoir et qu'un militant de longue date de la Ligue, Robert Badinter, devint ministre de la Justice.

À propos des immigrés et des campagnes qui les visent, la LDH s'est engagée pour le respect du droit d'asile, contre le nouveau Code de la nationalité et pour que la citoyenneté de résidence soit reconnue à tous ceux qui vivent et travaillent dans notre pays. Elle combat toutes les expulsions arbitraires.

La Ligue a engagé des campagnes d'opinion contre la réforme du Code de la nationalité, pour l'abrogation des lois Pasqua, pour le droit de vote des résidents étrangers, pour la défense de la laïcité, pour la défense des libertés au Maroc, en Chine, en Algérie, pour l'annulation de la dette, contre l'extrême droite et le racisme.

Comme d'autres, la LDH se constitue souvent partie civile contre ceux qui se rendent coupables de délits de racisme, discrimination, apologie de certains crimes ou révisionnisme. Une vingtaine de commissions nationales poursuivent des réflexions (délinquance-prison, extrême-droite, libertés informatiques, laïcité, santé et bioéthique, gens du voyage, immigrés, DOM-TOM, institutions, juridique, justice-police, droits et libertés dans l'institution militaire, communication et médias, démocratie locale, droits de l'enfant, droits de la femme, droits économiques et sociaux, questions internationales, éducation-jeunesse, environnement, sports et libertés). À travers quelque 320 sections locales en France, la LDH compte environ 3 000 adhérents. Elle tente de renouveler son recrutement.

Publications : Ligue des droits de l'homme : 27, rue Jean-Dolent, 75014 Paris.
Tél. 01.44.08.87.29.
Président : Henri Leclerc. Vice-présidente : Madeleine Rebérioux.

Logement

« Ils nous prennent nos logements. » « Ils occupent massivement les HLM dans lesquelles ils ont la priorité. » Meublés, foyers, cités de transit, logements rudimentaires ont été le lot commun des nombreuses populations d'immigrés depuis le début du siècle. Encore récemment, les grandes manifestations de mal-logés comme les campements improvisés du quai de la Gare ou de l'esplanade du château de Vincennes ont surtout touché des familles d'immigrés. La situation s'est toutefois améliorée pour ces hommes et ces femmes au fil des ans, par deux voies différentes :

  1. l'accession à la propriété pour certains, originaires principalement du Portugal, de l'Espagne et de l'Asie du Sud-Est ;
  2. l'obtention d'un logement social pour d'autres, ouvert désormais plus largement à toutes les populations.

Malgré ces progrès, il apparaît que les immigrés, et particulièrement certains d'entre eux, sont nettement moins bien logés que les Français, tant du fait de l'état de leurs logements que de leur degré de suroccupation. Si, d'après l'INSEE, 11% de la population française peuvent être considérés comme « très mal logés », ce sont entre 45% et 50% des ménages originaires de Turquie, d'Algérie, du Maroc ou d'Afrique noire qui sont dans ce cas.

Type de logement selon le pays d'origine (en %)

                  Algérie Maroc  Turquie Afrique Portugal Espagne  France
                                          noire                    entière
Propriétaires        17    13      16      10       39      56       56
HLM non dégradée     29    32      33      23       20      14       14
Privé non dégradé    19    19      21      24       21      18       19
HLM dégradée         17    16      18      12        4       4        3
Privé dégradé         9    10      12      16        8       3        2
Foyer                 6     5       0      13        0       0        0 
Gratuit               3     5       6       3        7       6        6
Total               100   100     100     100      100     100      100
   

Source : INED, enquête MGIS réalisée avec le concours de l'INSEE, 1992.

Il n'existe pourtant pas en France de ghetto à l'américaine, où soient parqués dans un même quartier des communautés de même origine étrangère. À la Goutte-d'Or, à Paris, considérée comme le type même du quartier arabe, une équipe de l'université de Paris VIII a montré, en 1977, qu'un quart seulement des habitants était étranger.

En fait, la discrimination en France est principalement d'ordre social. Ainsi, les immigrés ont suivi dans leur habitat un parcours identique à celui des populations ouvrières françaises : pensons, par exemple, à leur présence dans les corons du Nord, dans les quartiers populaires de Paris et, plus récemment, dans les HLM les plus défavorisées. Ce mouvement de mixage entre populations défavorisées, françaises ou étrangères, qui a par ailleurs contribué à l'amélioration du logement des étrangers, s'est accéléré ces dernières années avec la banalisation des logements au départ spécialisés pour l'accueil des étrangers (foyers SONACOTRA), par la rénovation urbaine (comme la destruction du quartier Chalon dans le XIIe arrondissement de Paris ou du quartier du Tonkin à Villeurbanne) et aussi, bien sûr, par l'accroissement de l'offre de logement social.

Si 30% des habitants des HLM sont des ménages étrangers, alors qu'ils ne représentent que 6,8% de la population active, cela s'explique aisément :

  1. les étrangers sont plus nombreux dans les couches les plus pauvres de la société, auxquelles les HLM sont réservées ;
  2. leur proportion dans les HLM dégradées dépasse de beaucoup celle des Français.

En effet, 3% de Français y vivent, alors que c'est le cas de 18% des Turcs, 17% des Algériens et 16% des Marocains.

Notons par ailleurs que les étrangers sont l'objet, dans certaines villes, de discriminations dans l'accès au logement social. Ainsi, V. de Rudder note qu'à Paris 7,5% des ménages d'ouvriers étrangers résident en HLM, contre 21% de leurs homologues français. Les HLM de Paris ne sont d'ailleurs occupées que par 12% des ménages étrangers, alors qu'on en trouve 40% dans la grande couronne.

Ces explications apportées, ne nions pas la réalité et les difficultés de la cohabitation entre Français et étrangers. Elle devient de plus en plus problématique, particulièrement lorsque se constituent des semi-ghettos. Face à ces fractures, la mixité des logements, des quartiers, des villes s'impose comme un objectif prioritaire. Et, à cet égard, la remise en cause des obligations que la gauche avait, par la loi Besson-Delebarre, fixées aux communes pour les contraindre à construire des logements sociaux est grave. La ségrégation de fait engendre la violence, il serait temps de le comprendre.

(Sources : INED, enquête MGIS réalisée avec le concours de l'INSEE, 1992 ; Agence pour le développement des relations interculturelles (ADRI), point sur le logement des immigrés par Jacques Barou ; V. de Rudder, « Le logement des immigrés », in J.Barou, L'Immigration entre loi et vie quotidienne, L'Harmattan, 1994.)

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