© Michel Fingerhut 1996/7

Martine Aubry et Olivier Duhamel:
Petit dictionnaire pour lutter contre l'extrême-droite (M)
Éditions du Seuil (©) Octobre 1995. ISBN 2-02-029984-4
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Introduction - A - B - C - D - E - F - G - H - I - J - L - M - N - O - P - R - S - T - U - V - X - Annexe 1 - Annexe 2

Maghrébin

Un exemple, parmi des milliers, du racisme antimaghrébin de l'extrême-droite française aujourd'hui. « Voter socialiste, cela signifie que d'ici dix à quinze ans la mairie de Marseille sera dirigée par un Maghrébin » (Le Pen, discours à Marseille lors de la campagne des élections législatives, 1er juin 1988, in Le Pen, op.cit., p. 461). Faut-il préciser en quoi le propos est raciste ? Considérer comme digne de mention qu'un maire soit juif ou catholique, blanc ou noir, homme ou femme, etc., est discriminatoire. Maghrébin signifie « originaire du Maghreb ». Stigmatiser une origine géographique et postuler comme une horreur qu'une personne originaire de telle ou telle région occupe telle ou telle fonction est évidemment raciste. Une démocratie peut réserver l'accès aux mandats politiques à ses concitoyens, et telle est d'ailleurs la règle dominante. Aucune démocratie n'interdit à un concitoyen, naturalisé ou né de parents étrangers, l'accès à une fonction élective en fonction du lieu de sa naissance ou de l'origine de ses ancêtres.

Voir Presse, Xénophobie.

Maladie

Les convictions de l'extrême-droite ne s'expriment pas seulement dans ses programmes officiels, où, souvent, les aspérités les plus choquantes ont été gommées dans un souci de respectabilité et de ratissage électoral. Qui s'inflige une lecture de la prose lepéniste ordinaire multiplie les occasions d'être édifié. Ainsi, pour la Sécurité sociale, dans un compte rendu plutôt anodin du quotidien Présent (8 juillet 1995) sur une Histoire des médecins français, la citation élogieuse du Dr Jean de Kearney remettant à l'auteur le prix Santé : « Ce siècle restera marqué par la création d'un monstre, la sécurité sociale, qui remplace la tutelle morale par la tutelle financière ; la charité, qui était la conduite naturelle des médecins, par les feuilles de maladie... » (sic). La Sécurité sociale, l'obligation faite à tous de cotiser pour aider chacun en cas de maladie : un monstre ; mais la bienveillance paternaliste du médecin d'antan : un idéal... De temps en temps, notre nouvelle extrême-droite populiste renoue avec les préjugés les plus réactionnaires, au sens propre du mot.

Voir Sécurité sociale.

Manifeste

Le Manifeste contre le Front national Association nationale pourvue d'un réseau de comités locaux, le Manifeste veut constituer, à gauche, une alliance démocratique pour combattre le Front national et ses idées. Né en juin 1990, à l'initiative du socialiste Jean-Christophe Cambadélis, le Manifeste apporte information, formation et soutien logistique aux associations et aux militants qui veulent combattre le FN. Deux idées-forces l'inspirent : d'abord, la nécessité d'une gauche unie contre l'extrême-droite ; ensuite, celle d'une rénovation de la gauche pour répondre aux attentes de Français qui, déçus, se tournent vers l'offre politique nouvelle proposée par le Front national.

De juin à décembre 1990, le texte du Manifeste recueille 50000 signatures dans toute la France. Lancé par des militants du PS, le Manifeste a trouvé des relais associatifs. En janvier 1991, des états généraux contre le national-populisme se tiennent à la Sorbonne. Puis, à la rentrée universitaire 1991, le Manifeste lance la campagne de « harcèlement démocratique » : il s'agit, chaque fois que le FN s'exprime, de lui opposer une réponse politique ferme. Le 27 novembre 1991, un meeting unitaire de la gauche (écologistes, PC, PS, associations) a lieu à Paris, sous la présidence d'honneur de Marie-Claire Mendès France.

Le Manifeste veut aussi réoccuper le terrain (par des « réunions Tupperware », par exemple, c'est-à-dire des rencontres en appartement). Il propose d'autre part un centre de documentation et d'information sur l'analyse des thèses du FN et de la presse d'extrême-droite. L'Observatoire des médias a disparu en 1992, tandis qu'une coordination des associations contre le FN (regroupant, à l'initiative du Manifeste, la LICRA, la LDH, le MRAP, l'Appel des 250...) a été active jusqu'en 1993 et subsiste aujourd'hui comme un réseau d'informations plus informel.

Le combat du Manifeste se déplace désormais sur le plan culturel et idéologique, en luttant contre le pan de la droite qui, avec Pasqua et de Villiers, cherche des connexions avec le FN.

Après les municipales de 1995, il décide de développer le travail de terrain et de constituer des comités de vigilance dans toutes les villes de France.

Publication d'une lettre hebdomadaire : Le Manifeste contre le Front national.
Le Manifeste contre le Front national : 45, rue Rébeval, 75019 Paris. Tél. 01.48.03.48.48.
Président : Jean-Christophe Cambadélis. Porte-parole : Éric Osmond.

Mariages ou unions mixtes

Un bon outil de mesure du degré d'assimilation des populations étrangères vivant en France est le pourcentage de ménages ou d'unions entre étrangers et Français. Cette analyse est particulièrement intéressante pour les jeunes nés ou élevés en grande partie en France, sachant que leurs parents étaient souvent déjà mariés à leur entrée en France, ou sont entrés adultes et fortement marqués par leur pays d'origine.

Ainsi 66% des hommes et 65% des femmes espagnols nés en France de parents nés en Espagne ont épousé un Français. Les chiffres pour les Portugais sont respectivement de 59 et 45%.

Mais, nous dira-t-on, c'est normal : ce sont des Européens, ils vivent comme nous, nous sommes proches culturellement et historiquement. Et pourtant, les unions se développent aussi chez les jeunes de familles originaires d'Algérie ou du Maroc : aujourd'hui, la moitié des jeunes et 25% des filles d'origine algérienne vivent avec un compagnon français. Il faut toutefois noter que, chez les jeunes Maghrébins, les difficultés d'insertion professionnelle et la résistance au modèle culturel traditionnel les amènent à repousser l'âge d'installation en couple. Les jeunes filles subissent par ailleurs des traditions culturelles lourdes.

Si les mariages mixtes progressent, c'est que l'intégration s'accroît. Nous devons nous en réjouir, car c'est une condition de paix sociale et d'enrichissement culturel.

(Source : Michèle Tribalat, Faire France, La Découverte/Essais, 1995.)

Marly (59)

Ville de plus de 11000 habitants à la périphérie de Valenciennes et apparemment sans lepénistes. Apparemment : Philippe Duée, le maire dit « divers droite », a été réélu de justesse en juin 1995, malgré une dissidence dans son équipe municipale sortante. Mais, grâce à l'absence de toute liste FN, alors que Le Pen avait obtenu 18% le 23 avril 1995. Explication : Duée a signé pour que Le Pen puisse être candidat à la présidentielle. Combien de Marly ?

Médias

« Que signifie le Ku Klux Klan pour toi ?

- Cela signifie beaucoup parce que je pense que ce qu'ils font est juste. Un nègre n'est pas un être humain, c'est une bête, et c'est pareil pour tous les autres travailleurs étrangers, les Turcs, les Yougoslaves, etc. »

Le journaliste danois auteur de l'interview télévisée précitée a été condamné au Danemark pour incitation à la discrimination raciale. L'émission dans laquelle elle prenait place était strictement descriptive, sans commentaire approbateur ou critique. Le 23 septembre 1994, la Cour européenne des droits de l'homme, dans son arrêt Jersild adopté par 12 voix contre 7, condamne le Danemark pour violation de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme, qui garantit la liberté d'expression.

Dans son opinion dissidente, le président Ryssdal estime que le Danemark n'a pas commis de violation, car « la Convention internationale sur l'élimination de toutes les formes de discrimination raciale n'exige sans doute pas la sanction d'un journaliste responsable d'une émission télévisée. En revanche, elle étaie l'idée que les médias peuvent aussi avoir à prendre clairement parti en matière de discrimination et de haine raciale ».

Est ici soulevée la question des limites de la liberté d'expression. La Convention européenne des droits de l'homme définit très largement ce droit tout à fait fondamental dans une société démocratique : « Toute personne a droit à la liberté d'expression. Ce droit comprend la liberté d'opinion et la liberté de recevoir ou de communiquer des informations et des idées sans qu'il puisse y avoir ingérence d'autorités publiques et sans considération de frontière. » Mais l'article 10 ajoute, à juste titre : « L'exercice de ces libertés comportant des devoirs et des responsabilités peut être soumis à certaines formalités, conditions, restrictions ou sanctions prévues par la loi... » C'est le seul article de la Convention qui fait référence à des « devoirs » et « responsabilités ». Ainsi, l'un des plus grands textes en matière de droits de l'homme consacre tout à la fois l'importance considérable de la liberté d'expression et le caractère non absolu de la liberté d'expression. Pour concilier ces deux aspects, la Convention énumère enfin les dix motifs susceptibles de justifier une restriction de la liberté d'expression : « L'exercice de ces libertés [...] peut être soumis à certaines [...] restrictions ou sanctions prévues par la loi, qui constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité nationale, à l'intégrité territoriale ou à la sûreté publique, à la défense de l'ordre ou à la prévention du crime, à la protection de la santé ou de la morale, à la protection de la réputation ou des droits d'autrui, pour empêcher la divulgation d'informations confidentielles ou pour garantir l'autorité et l'impartialité du pouvoir judiciaire. »

Une limitation de la liberté d'expression est ainsi légitime si elle apparaît nécessaire pour assurer la protection des droits d'autrui, cela selon la Convention des droits de l'homme considérée en elle-même. De surcroît, il convient de la concilier avec la Convention des Nations unies de 1965 sur l'élimination de la discrimination raciale [Voir Discrimination].

Dans l'affaire Jersild contre le Danemark, la Cour a estimé que la restriction de la liberté, par la condamnation du journaliste, n'était pas justifiée, parce que « pris dans son ensemble, le reportage ne pouvait objectivement paraître avoir pour finalité la propagation d'idées et opinions racistes » ; parce qu'il « cherchait au contraire à l'évidence - au moyen d'un entretien - à exposer, analyser et expliquer ce groupe particulier de jeunes limités et frustrés par leur situation sociale, avec un casier judiciaire et des attitudes de violence, traitant ainsi d'aspects spécifiques d'une question qui préoccupait déjà alors vivement le public » ; « parce que le sujet fut projeté dans le cadre d'une émission d'actualités danoise sérieuse et était destiné à un public bien informé » ; parce que « sanctionner un journaliste pour avoir aidé à la diffusion de déclarations émanant d'un tiers dans un entretien entraverait gravement la contribution de la presse aux discussions de problèmes d'intérêt général et ne saurait se concevoir sans raisons particulièrement sérieuses ».

Nous sommes ici au coeur d'une question importante et difficile. Les réponses simplistes ne conviennent pas. On ne peut autoriser purement et simplement la diffusion de propos quels qu'ils soient en vertu d'une conception ultra-libérale (ou libertaire) de la liberté d'expression : toute la tradition démocratique de l'Europe, et des Nations unies, va en sens contraire depuis l'abomination nazie. On ne peut pas non plus interdire purement et simplement la citation de tout propos raciste en vertu d'une conception ultra-protectrice de la démocratie, les exigences de l'information, de l'analyse, de la réflexion imposant parfois de désigner ce qu'il faut connaître, comprendre et combattre.

Comment fixer la frontière ? Le tracé proposé par ce premier arrêt de la Cour européenne en matière de provocation à la haine raciale n'emporte pas la conviction. Il fait la part belle à la liberté d'expression, et la part chiche aux devoirs et responsabilités pour protéger les individus et groupes de la haine raciale. Comme l'a souligné le président Ryssdal dans son opinion dissidente, « les bonnes intentions du journaliste ne suffisent pas dans une situation comme celle-ci, en particulier lorsqu'il a lui-même provoqué les déclarations racistes ». Comme l'ajoute le conseiller d'État Roger Errera dans son commentaire (Gazette du Palais, 21-22 juin 1995), les « diffuseurs - l'éditeur d'un livre, le directeur du journal, le responsable de radio ou de télévision... - sont ici les véritables décideurs : l'accès au public dépend d'eux. Si les termes précités de "devoirs" et de "responsabilités" ont un sens, c'est bien ici ». La Cour va donc vite en besogne lorsqu'elle admet la limitation de la liberté d'expression des skinheads auteurs des propos racistes, mais pas celles des journalistes qui les diffusent. Et Roger Errera d'estimer très justement que le juge aurait mieux fait d'écrire : « Le libre choix d'un journaliste d'inclure sciemment, dans une émission, des propos contenant des provocations à la haine, à la violence et à la discrimination raciale s'accompagnait d'une responsabilité particulière, et que celle-ci incluait, ici, l'obligation de rappeler à tous leur illégalité et s'en dissocier clairement. » En un temps où le souci du spectaculaire l'emporte si souvent sur le sens de la responsabilité, la Cour européenne des droits de l'homme a manqué l'occasion qui lui était offerte de soutenir le dernier et de freiner le premier.

La première exigence journalistique est de se poser ces questions et de ne pas se contenter de rechercher le scoop et l'audience. La deuxième est de s'interroger sur les effets de ce que l'on écrit ou diffuse en la matière. La troisième est de se donner les moyens appropriés pour concilier l'information nécessaire sur la réalité du racisme et la lutte légitime contre ce fléau. Les deux dernières exigences soulèvent bien des difficultés, mais il suffirait que la première se généralise pour changer déjà considérablement le cours des choses.

Songeons aux effets de mimétisme. Chaque fois qu'une exaction raciste d'envergure est mise en avant au Journal télévisé, les actes de ce type prolifèrent. Un minimum de prudence s'impose dans la présentation de tels événements. Songeons aux effets des mots. Chaque fois qu'est qualifié de « maghrébin » un présumé coupable, voire une victime, l'idée se répand dans la population d'une spécificité maghrébine. Songeons aux effets de propagande. Chaque fois que Le Pen est invité, parce qu'il fait de l'audience, Le Pen augmente son audience, parce qu'il est invité. Le leader de l'extrême-droite est passé neuf fois à L'Heure de vérité en dix ans. Le leader de l'extrême-gauche, Arlette Laguiller, une seule fois durant la même période. Le Pen : 15%. Laguiller : 5%. Même dans une conception purement proportionnaliste des invitations à un grand magazine politique, le chef du FN a bénéficié d'un privilège exorbitant.

Comment traiter l'extrême-droite dans les médias d'une société démocratique ? Lorsque le parti politique qui l'incarne n'est pas illégal et recueille des électeurs, l'accès aux antennes ne saurait lui être interdit. Mais le devoir de critique, qui s'impose à tout journaliste interrogeant un homme politique, prend ici un sens particulier à l'égard d'un parti qui se trouve à la limite de l'acceptable. Les idées d'extrême droite ne sont pas des idées parmi d'autres. Les partis d'extrême droite ne sont pas des partis comme les autres. Et ce n'est pas parce que, hier, une complaisance incroyable a accompagné le totalitarisme stalinien ou maoïste, qu'aujourd'hui la répétition, toutes choses égales par ailleurs, d'erreurs analogues face au nouveau danger dominant notre fin de siècle est excusable.

Voir Presse, Télévision.

Mendiants

« Le maintien prolongé, notamment en position allongée, de personnes et d'animaux qui gênent le libre passage des piétons » est interdit par arrêté municipal du 4 juillet 1995 à La Rochelle. Le maire radical, Michel Crépeau, homme très estimable par ailleurs, justifie sa décision par sa volonté que « le FN se casse les dents [...] en ne trouvant pas prétexte à se développer ». Louable intention mais fâcheuse décision et dangereux raisonnement. L'interdiction de la mendicité ou l'expulsion des SDF accroîtra peut-être le confort visuel des passants, mais pas la situation des intéressés. Et lutter contre l'extrême-droite en reprenant son programme par morceaux nous débarrasserait peut-être de Le Pen, mais répandrait le lepénisme. Le Front national ne s'y est pas trompé, qui a adressé copie de l'arrêté municipal en question aux maires de Toulon, Orange et Marignane, avec ce commentaire : « S'ils prennent la même sage mesure, ils pourront ainsi s'abriter derrière votre jurisprudence. Ce n'est pas tous les jours qu'un édile de gauche nous offre le bon exemple [...] et nettoie les rues de leurs parasites... » (Présent, 8 juillet 1995).

Mesures antisociales

L'extrême-droite se veut populaire, cela ne l'empêche pas de suggérer nombre de mesures antisociales, pour satisfaire le noyau dur de sa clientèle d'origine. Les électeurs de gauche, notamment ouvriers, conquis par le Front national lors des derniers scrutins, n'ont pas toujours connaissance de ces propositions qui porteraient directement atteinte à leurs acquis sociaux.

La remise en cause du travail des femmes, l'instauration d'un chèque scolaire mettant à bas la conception égalitaire de l'école et solidaire de son financement (300 Mesures..., op.cit, p. 76), l'adoption d'une « législation fiscale favorable » pour « l'héritier qui garde et restaure envers et contre tout une demeure familiale » (p. 98), « la suppression progressive de l'impôt sur le revenu » (p. 151 et 170), « la suspension des droits de succession au sein de la famille » (p. 170), « l'allégement des droits de mutation à titre onéreux » (p. 172), « la réduction de l'assiette de l'impôt de solidarité sur la fortune » (ibid.), autant de mesures favorables aux propriétaires et aux plus riches.

Métissage

Marie-France Stirbois à l'Assemblée nationale le 2 mai 1990, contre la loi antiraciste : « Le mélange des races est néfaste. » « C'est sur des bases de nécessaire discrimination que s'est développée la longue histoire du droit constitutionnel en Occident. » Parfois, le racisme ne s'avance pas masqué.

Voir Café-au-lait, Propreté, etc.

Minute

Voir Presse d'extrême-droite.

Mondialisme

Une force politique a besoin d'ennemis, et l'idéologie qui l'anime d'une contre-idéologie à combattre. Le Front national a ainsi inventé le mondialisme, idéologie répulsive mythique qu'il pourfend pour souder ses troupes. « Alors que le marxisme, aujourd'hui sur le déclin, est intellectuellement disqualifié et politiquement discrédité, cette nouvelle idéologie, plus floue, mais elle aussi de nature constructiviste, ne cesse de gagner du terrain » (Front national, 300 Mesures..., op.cit., p. 15).

En s'en prenant au « mondialisme », l'extrême-droite attaque en vérité la doctrine démocratique et, plus particulièrement, les droits de l'homme qui en constituent une des principales composantes. Ici encore, le lepénisme fonctionne à l'euphémisme. Les droits de l'homme bénéficient d'une trop grande ferveur pour être directement remis en cause. Ils sont donc critiqués de biais, par la mise en cause du mondialisme opposé aux « valeurs nationales ». « La doctrine mondialiste, généralement présentée sous l'habillage des droits de l'homme, prône la destruction des nations, l'abolition des frontières, le mélange des races, des cultures et des peuples. Autrefois, les marxistes faisaient la chasse aux inégalités et voulaient créer la société sans classes. Aujourd'hui, les mondialistes pourchassent les "exclusions" et préconisent l'avènement d'une société sans différences. Le mythe du paradis rouge a cédé la place à l'utopie du paradis café-au-lait. Et si la dictature du prolétariat n'est plus de mode, c'est le melting pot qui devient obligatoire » (ibid.).

Dans le cadre de la lutte contre le mondialisme et pour l'expansion du national-racisme, le FN n'hésite pas à prévoir le contrôle idéologique des manuels scolaires [Voir Censure].

Montfermeil

Cette ville de la banlieue parisienne est devenue célèbre lorsqu'en 1989 son maire « divers droite », Pierre Bernard, célébra à sa manière le bicentenaire de la Révolution française en interdisant d'inscrire des enfants immigrés à l'école maternelle.

Le sociologue Michel Wieviorka a étudié la mutation de Montfermeil (La France raciste, Éd. du Seuil, 1992). Il confirme nos analyses sur les causes urbaines du racisme. Naguère exclusivement pavillonnaire, la ville a changé avec l'évolution de l'ensemble « Les Bosquets ». Prolifération des propriétaires, locataires, sous-locataires, sous-sous-locataires aboutissant au délabrement des parties communes et du bâti, absence d'équipements collectifs, désertion progressive par les Français, multiplication des nationalités, déclin du Parti communiste qui, auparavant, structurait la population ouvrière, exacerbation du national-populisme par le maire de droite extrême, d'ailleurs soutenu par le maire communiste de Clichy-sous-Bois, la commune voisine, dont la direction communiste se désolidarisera en dénonçant ses « propos racistes ». Les causes premières de la crise sont économiques et sociales : le chômage, l'urbanisation productrice de ghetto. Des causes idéologiques et politiques s'ajoutent et aggravent les tensions : le repli communiste, la dérive national-populiste du maire : « En transférant le débat économique et social sur le terrain ethnique des identités absolues, la municipalité donne ainsi une forme spécifique à l'exaspération de la population de Montfermeil » (ibid., p. 295). Combien de Montfermeil ? Nous en connaissons tous.

Moutons

Les moutons égorgés dans les arrière-cours mettent la plupart des non-musulmans hors d'eux, à cause du bruit et de l'hygiène. Pour éviter ces exaspérations, qui produisent des réactions de rejet, l'abattage rituel des animaux doit être organisé dans des abattoirs professionnels, en permettant aux individus d'y accéder, pour éviter des enrichissements abusifs. Une première expérience, menée par des associations locales musulmanes en concertation avec la préfecture, a vu le jour dans le Val-d'Oise.

Mouvement Agir

Mouvement politique créé en février 1995 à l'initiative de nombreux élus, responsables associatifs ou syndicaux, intellectuels ou simples citoyens, AGIR s'est fixé comme objectif de contribuer au renouveau des analyses, des pratiques et des propositions de la gauche.

Ces membres - dont les auteurs de ce livre - sont convaincus que seule la reconstruction d'une société plus solidaire et plus forte sera capable de mettre fin aux exclusions multiples et aux angoisses de Français chaque jour plus nombreux.

Pour « agir » à court terme contre le racisme, il propose :

La Lettre d'Agir, mensuel.
AGIR : B.P. 194, 75263 Paris Cedex 06.
Tél. 01.42.22.58.33. Fax 01.42.22.64.12.
Présidente : Martine Aubry. Secrétaire général : Jean-Pierre Sueur.

MRAP

Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples

Association nationale dotée de fédérations départementales et comités locaux, le MRAP a été fondé le 22 mai 1949. Issu en partie de la Résistance, du MNCR (Mouvement national contre le racisme), via l'Alliance antiraciste, il a compté à l'origine de nombreux communistes, socialistes et syndicalistes et passait pour une organisation soeur du Parti communiste.

Organisation non gouvernementale dotée du statut consultatif auprès de l'ONU, le MRAP compte 3000 à 4000 membres. Il est passé de la lutte anticoloniale au combat antiraciste et a, par exemple, joué un rôle décisif dans la rédaction et l'adoption de la loi de 1972, notamment par le travail des nombreux avocats qui se retrouvent en son sein.

Son nom a changé en 1977 sans que son sigle soit modifié (il s'appelait auparavant Mouvement contre le racisme, l'antisémitisme et pour la paix). L'organisation veut alerter l'opinion sur les problèmes liés au racisme, par des campagnes nationales, des conférences de presse, des communiqués, des manifestations.

Elle prend en charge des poursuites contre les auteurs de propos, délits ou crimes racistes, en se constituant partie civile. Une des spécificités du mouvement réside dans le travail d'éducation et de mémoire, par la production et la diffusion de matériel d'information dans les écoles, les maisons de jeunes, les foyers, par des expositions itinérantes (sur les préjugés et stéréotypes racistes, sur l'esclavage...), par le travail de mémoire historique (publication en fac-similé de Franc-Tireur et de Combat en avril et mai 1995, pour commémorer la libération des camps).

Outre cet important travail en milieu scolaire, le MRAP se soucie également de l'immigration et du droit d'asile, notamment par sa permanence juridique, essentiellement fréquentée par des étrangers qui connaissent des difficultés avec l'administration. Le mouvement insiste désormais à juste titre sur l'antiracisme de proximité.

Différences, mensuel.
MRAP : 89, rue Oberkampf, 75011 Paris. Tél. 01.43.14.83.53.
Président-délégué : Jacques Chevassus. Secrétaire général : Mouloud Aounit.

Municipalités

Les élections municipales des 11 et 18 juin 1995 ont permis au Front national de conquérir trois villes importantes du sud de la France (Toulon, Marignane et Orange). Surtout, elles ont vu une progression très importante de l'extrême-droite dans un scrutin de ce type. Cette fois, le vote protestataire lepéniste, lors d'élections à la proportionnelle, comme les européennes, ou lors d'un premier tour, comme à la présidentielle, s'est prolongé par un vote d'enracinement pour le FN. Dans la plupart des villes de plus de 30000 habitants, dans nombre de chefs-lieux, les conseils municipaux comprennent désormais des élus frontistes. À titre d'information, mais aussi afin que chacun puisse suivre les déclarations et actions de ces élus, nous publions en annexe la liste de ces quelque 190 villes, avec le rappel du département dans lequel elles se trouvent, du nombre des électeurs inscrits, du score obtenu par le candidat d'extrême-droite au premier tour de l'élection présidentielle de 1995, du pourcentage des suffrages exprimés recueillis par la liste du Front national à chaque tour des élections municipales de 1995, du nombre d'élus FN, et de l'étiquette politique du maire.

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